Comme un poisson dans l'air
Comme Un Poisson Dans L’air est une véritable mise en images de l’écriture si particulière de Camille. En passant à la réalisation, la chanteuse et compositrice nous entraîne dans un tête-à-tête émotionnel, celui qu’elle entretient avec son enfant à naître. Sans fards, elle nous livre l’étonnement d’être mère, la stupéfaction de la grossesse, pour nous ouvrir à un autre monde où flotte une question qui l’obsède sans cesse : que perçoit le bébé ? Quels sons lui parviennent-ils ?Alors Camille murmure, crie, chante, et rêve que son chant devienne un passe-muraille pour pénétrer l’obscurité du ventre…C’est un film étonnant, inhabituel, un chant d’amour au corps et à la nature, une plongée visuelle dans le monde sonore de Camille, artiste inclassable et engagée.
Le poisson dans l’air c’est qui ?
C’est moi.
Le poisson dans l’eau c’est qui ?
C’est le bébé dans mon ventre.
Je suis un poisson dans l’air.
Je suis née sous le signe des eaux de Mars.
J’aime que tout coule, tout circule, tout pétille.
La société dans laquelle je vis, si cartésienne, si angulaire, et la ville dans laquelle je vis,
Paris, si minérale, me paraissent souvent bien hostiles.
Je me ressource grâce au travail du son, si fluide, et grâce au travail de la voix, si légère.
Vu ma nature, attendre un enfant est une bénédiction.
C’est l’osmose rêvée avec un être en devenir.
L’occasion de tout rêver à nouveau, de tout réinventer, de tout réenchanter.
C’est aussi une rencontre intérieure avec le monde sauvage.
Une communion avec l’eau.
Avec l’inconnu du vivant.
Avec le mystère du son et de la vibration.
Avec l’équation Son - Amour
Le poisson dans l’eau, c’est le bébé dans mon ventre.
C’est lui à qui je parle tout le long du film.
Je l’appelle « mon poisson »
Il est encore plongé dans son état originel.
Plongé dans le liquide amniotique.
Plongé dans le son.
Le son du monde environnant.
Le son intérieur de mon corps.
Le son de mon chant.
La vibration de mes émotions.
Le poisson dans l’eau écoute tout, entend tout. Sans voir et sans être vu. Sans jugement. Sans
défense. Il vit dans le monde d’avant le monde.
Dans la vibration d’avant le chant.
Dans l’écoute d’avant la musique.
Le poisson dans l’eau c’est celui à qui je chante et c’est aussi celui que je deviens quand je
m’immerge moi-même dans le son.
C’est celui que je redeviens le temps d’une chanson.
Le poisson dans l’eau réactive mon besoin d‘immersion sonore.
Il réinitie aussi la mémoire vibratoire de l’enfant que j’ai été dans le ventre de ma mère.
Le poisson dans l’eau, c’est l’enfant que nous avons tous été dans le ventre de notre mère.
C’est le poisson que l’humanité a été au tout début de l’évolution de la vie sur terre.
Le film est donc l’histoire d’un poisson dans l’eau dans un poisson dans l’air.
Et d’un poisson dans l’air enceinte d’un poisson dans l’eau.
Le poisson dans l’eau me fait redevenir moi même un poisson dans l’eau.
Il me réconcilie avec le monde. M’invite à la fusion.
Mais il m’invite aussi à réparer ma propre histoire et à mieux accepter le monde dans lequel je
vis pour l’accueillir.
Je dois en tant que mère le préparer à sortir de l’eau et à rejoindre le monde de l’air.
Dans le film, le chant est donc le pont entre les deux poissons, et entre l’eau et l’air.
C’est l’occasion pour moi, poisson dans l’air, d’interroger ma propre vocation. Celle du chant.
Et d’interroger à travers le chant la société dans laquelle je vis.
Comment cette société accueille-t-elle la promesse de l’enfant à venir ?
Chanter pour un bébé dans le ventre, cela va de soi, non ?
Pendant la grossesse le chant, si peu présent dans nos vies quotidiennes, peut-il reprendre sa
place ?
Le corps médical peut-il se mettre à chanter ?
Attendre un enfant n’est-il pas une invitation à relier les autres à leur enfant intérieur ?
À sentir le continuum vibratoire entre le le monde matériel et le monde invisible ?
À chanter à nouveau spontanément ?
J’interroge et je cherche cet instant où la peur du jugement de l’autre et où l’auto censure sont
suspendus. Où le corps respire à nouveau. Où le chant reprend enfin sa place primordiale :
non pas celle d’une performance vocale mais celle d’un geste humain qui nous accompagne
dans les étapes de notre existence et qui fait tomber murailles et armures.
J’ai tourné ce film car je voulais transmettre l’émerveillement, l’amour et la foi que
l’expérience d’être enceinte ont éveillés en moi.
L’envie de transmettre cet émerveillement a germé en moi lors de ma première grossesse et le
film a été tourné pendant ma deuxième grossesse.
Le tournage a été très empirique. Les cadreurs multiples.
J’ai filmé des expériences sonores, les rituels que j’ai inventés, les dessins qui sont nés et les
questions que j’ai posées à mon entourage pendant cette période.
La narration s’est trouvée plus tard, pendant le montage.
Le film ne se veut pas un compte rendu chronologique de grossesse.
Ni un dévoilement de ma vie quotidienne et intime.
Mais bien le récit d’une femme qui interroge par le rituel par le dessin et par le chant ce que
attendre un enfant veut dire pour elle.
Le film a pris 9 ans à s’écrire, entre enregistrements de disques et tournées.
Il a pris son temps.
Il est désormais prêt à vivre dans le monde.
Il a un visage, un corps et une âme.
Et je l’aime.
Camille